Ruelle Garin Trousshorloge

Nous revenons à notre voleur, qui lui-même revenait d'un bref passage chez Alexielle. Content de la quitter, à vrai dire. La présence de la vampire n'était pas des plus agréables et voir son chef accorder sa confiance si simplement à cette garce avait dégoûté mon brave bonhomme.
Messara trainait ses vieux godillots dans les rues de Serenity. Il repassait devant des endroits qu'il traversait tous les jours, toutes les nuits. Pourtant, ils semblaient désormais anciens, passés. Le voleur avait l'impression de marcher dans un souvenir. Il ne ressentait plus rien, ne sentait pas que tout était à portée de main. Pire: il n'osait plus s'approcher des éléments du décor, fuyant leur écoeurant réalisme. Maladif, titubant, le gamin se demandait si c'était le manque d'énergie et de sommeil qui commençait à jouer sur son moral. Qu'il se faisait de la peine ! Lui, pauvre petite chose, autrefois bondissant et pleine de vie ! Tout semblait durer ou avoir durer des siècles. Ca allait passer, qu'il se disait. Mais cela faisait tout de même longtemps qu'il n'avait pas ressenti tout cela, et cela le mettait vraiment mal à l'aise.
À quand remontait sa dernière fois ? Il ne s'en souvenait même plus. Y avait-il seulement eu une dernière fois ? Aucune idée. Pas le coeur aux souvenirs, à vrai dire. Pas le coeur à grand-chose. Juste envie de dormir. Une envie intense de tomber par terre, tout simplement. Cependant, même dans cet état, il avait une dignité à peu près humaine à garder.

Il y a ici une ruelle qui a l'avantage d'être obscure. Le réverbère était en panne depuis belle lurette et, à vrai dire, personne ne s'en plaignait. Il faut dire que c'était peut-être le seul endroit où les habitants désiraient dormir et où personne ne rentrait à pas d'heure.
Cet endroit semble tout de même assez vieux. Les maisons sont collées les unes aux autres ou juste séparées par un bout de terre. Ici, pas de route. C'est trop étroit. On a tout de même pavé le sol pour que la circulation soit plus facile au moins pour les piétons. C'est humide, c'est froid, mais tellement agréable à regarder ! Une autre époque, quelque chose d'éternel et de calme. Un endroit qui se prête volontiers à toutes les longueurs de temps.
Messara savait qu'ici, entre certaines maisons, il y avait quelques vieux cartons et un préau au-dessus d'eux. Le préau, il était inutile, il ne couvrait rien, mais il était là. Les cartons, c'était Messara qui les avait ramenés ici, pour avoir un peu d'intimité. Pour dormir, ce n'était pas si mal. Jamais il n'avait eu de problèmes, ici. Alors pourquoi en aurait-il, désormais ?
Le voleur s'allongea au milieu des cartons sans se soucier ni de la poussière propre de l'endroit ni de quoi que ce soit d'autre. Lessivé, le temps qu'il lui fallut pour s'endormir lui sembla à la fois immense et ridicule. Il ne s'en souviendrait pas. Les yeux fermés, éloigné de ses tourments, il dormait, maintenant.

[Depuis : Appartement de Yami]

Yoru se baladait à la lumière du jour dans les rues de Serenity. Pas que ce soit dans ses habitudes, bien au contraire. C'était plutôt un oiseau de nuit, comme on dit, préférant dormir le jour et vivre la nuit. C'est qu'il préférait la lueur magnifique de la Lune au milieu d'un ciel noir, dépourvu de la moindre étoile, du moindre nuage. Mais là, il s'extasiait à regarder le soleil. Il avait un peu mal au yeux, c'est pourquoi il baissa les yeux. C'est là qu'il remarqua un empilement de cartons, avec un gars au milieu, qui semblait être dans le camp des rebelles, étant donné que Yoru l'avait beaucoup aperçu la veille. Se retenant de rire de cette situation, l'adolescent s'adossa à un mur non loin, puis haussa la voix sur un ton sombre. Impossible de voir ses yeux, ils étaient cachés sous sa chevelure rouge. Tout cela lui donnait un air sombre, proche de la mauvaise humeur...mais en réalité le Yoru était d'une humeur bonne comme rarement.

"Hé, toi, là..."

Le manteau de sommeil qui isolait Messara du monde réel commençait à partir fil par fil. Doucement, très doucement, il reprenait conscience de chaque partie de son corps. Ses rêves n'en étaient que plus réalistes. Mais une fois terminés, ils laissaient le dormeur dans un état entre deux eaux, m'enfin surtout entre le vrai sommeil et le réveil. Résultat des courses: quand Yoru arrivait dans la rue, il était déjà totalement conscient, mais encore un peu dans le pâté. Pour ne pas dire complètement. Lessivé, qui plus est. Presque autant que lorsqu'il s'était endormi. La douleur qui jadis lui martelait les tempes était légèrement apaisée, mais restait assez forte pour tuer sa bonne humeur.
Allongé sur un sol tout juste réchauffé par sa propre température corporelle, ses petits poings serrés près de sa tête, l'air à priori paisible, les genoux repliés sur son ventre, il ressemblait vraiment à un dormeur. Sauf que les paroles de Yami ne lui échappèrent pas. Dans le silence et le vide de l'endroit, il faisait un vacarme monstrueux. D'autant plus que tout résonnait dans la pauvre tête de mon voleur malmené. Attendez, qu'avait-on dit ? on lui avait parlé ? Son cerveau marchait au ralenti. Et il n'était pas vraiment vaillant ce matin. Il aurait donné père et mère pour se rendormir et s'éloigner à nouveau de la douleur.
Messara bascula sur le dos et frotta ses pauvres yeux, comme pour les décoller. L'envie de les ouvrir manquait. Il balbutia:

"- Ghnarienfait....Innocent.... Jdormais... Quvoulezvous ?"

Sa langue collait presque à son palais tant il avait la bouche pâteuse. Il ne se redressa pas, n'ouvrit pas les yeux. Quelque chose le dérangeait, sur son front. Il le frotta d'un revers de manche sans être plus informé. Ce n'était que les cicatrices des bouts de verre...

(Dis donc toi quand t'es dans le brouillard tu l'es pas qu'à moitié...)

Ce gars-là était vraiment drôle. Quelle type bizarre. Il a toujours l'air à côté de ses pompes. A croire que c'est dans ses gênes.
Yoru se redressa avant de faire quelque pas vers le jeune homme. Lui tendant la main comme pour l'aider à se relever, tout en disant sur un ton amical comme peu souvent :

"Pardon, je n'ai pas saisi ton nom..."

Ce mélange de langage soutenu et de tutoiement était loin d'être logique. Mais bon, ils étaient peut-être destinés à se côtoyer pendant quelques temps, alors peut-être fallait-il plutôt le vouvoyer et parler normalement... Enfin, ce qui est dit est dit.

Messara, sentant une présence se rapprocher, dû se résoudre à quitter son monde onirique, le repos qu'il avait su conserver jusqu'à présent. Adieu belle et douce quiétude, bonjour ennuis et réalisme ! Et premier ennui, justement: ouvrir les yeux, comptempler un monde loin des visions d'Eluard et Desnos. Trop dur, inchangé, et aucun sentiment qui n'émane des murs. Trop vrai.
Et l'autre, là, en face, avec ses cheveux rouges et l'air presque sympathique, qui osait avoir l'air amical ! Ne pouvait-il pas le laisser crever, comme tout le monde ? Et quelle idée de passer par là, aussi ! Non, Messara ne reconnaissait pas le bonhomme qui était passé par l'appartement d'Alexielle. Néanmoins, il aurait donné cher pour ne pas avoir à le re-croiser, surtout ici et maintenant.
Parce que même dans le pâté, Messara reconnaissait à la lumière du jour que c'était l'heure du réveil, autrement dit, l'heure à laquelle il fallait particulièrement éviter de s'approcher de lui ! Mais bon sang, que faisait celui-ci à ses côtés ? Pourquoi lui ? Pourquoi luiii ?

"- Messara. Qu'est-ce-que-vous-me-voulez ?"

Regard légèrement sombre, mots soigneusements détâchés. Messara s'était redressé péniblement et s'était adossé au mur sans avoir touché la main de l'autre. Il ne le regardait même pas dans les yeux. C'était d'ailleurs la main qu'il fixait. Un de ces quatre, il pourrait s'essayer à la chiromancie. Ouais, peut-être. Pas ce matin. Pas maintenant. En même temps, maintenant, il n'avait qu'une envie: douche. Il en avait pris une hier soir, mais l'humidité avait collé la poussière du sol à ses vêtements et à sa peau. Désormais, cela le dérangeait. Peut-être pouvait-il essayer de sympatiser pour s'offrir une douche...
Les deux mains posées à terre, il ferma ses doigts tremblants sur des cailloux. Damnés, il était plus faible qu'il ne l'aurait pensé. Pourtant, il n'en laissait presque rien paraitre. De toutes façons, on ne regarde pas les mains des gens, pas vrai...?

Quelle meilleure preuve de non-amitié que de refuser une aide si gentiment proposée? Le gars de la veille, apparemment portant le nom de Messara, s'était relevé de son unique force sans prêter attention à la main si gracieusement élancée de Yoru. Enfin, il l'avait peut-être remarquée, mais ne s'en était pas servie.

(Tu m'as l'air...sociable...)

"Ben, je ne te cherchais pas en particulier, mais...je t'ai vu, là. Et comme on peut plus ou moins dire qu'on se connaît... Enfin bref, tu m'as pas l'air dans ton assiette, toi. C'est comme ça à chaque fois que tu te réveilles?"

Pas que Yoru s'en préoccupait...mais il n'allait pas rester là, les bras ballants, là, devant quelqu'un qu'il aurait aimé voir devenir son ami -et pourquoi donc? Mystère- sans parler ni engager aucune interaction. Surtout que le pauvre adolescent aux cheveux rouges en avait assez de toujours être seul dans son coin. Peut-être était-ce un délire, qui était aussi la cause de cette soudaine adoration de la lumière du jour...

Mon voleur glissa silencieusement une main contre sa hanche. Il n'avait pas mal au ventre. Seulement, les paroles de l'autre, avec les cheveux rouges, étaient un peu trop véridiques. Messara aurait bien aimé que tout ne soit qu'une illusion.
De sa main libre, il passa une des mèches qui lui cachait le paysage derrière son oreille et, pendant le bref moment où sa patte cachait son visage, il changea un peu d'expression, faisant des efforts pour soulever ses paupières et ne pas avoir l'air trop antipatique. Au fond, ce brave garçon ne pouvait pas savoir qu'il est des gens à ne pas réveiller...

"- Généralement, oui. Mais plus spécialement quand j'ai bien saigné la veille. Excusez-moi, mais... Qui êtes-vous ?"

Si c'est pas de la générosité, ça.... Faire des efforts dès le matin... Et ne pas parler au réveilleur comme à un chien. Quelque pars, dans l'univers, une légion d'honneur l'attendait (et une douche, Valence, une douche !)
Sans retirer sa main de sa hanche, le voleur se releva, plutôt gracieusement pour quelqu'un qui avait la tête grosse comme une citrouille. Il lui fallut d'ailleurs un moment avant que le sol arrête de tanguer. Il lui fallut un autre moment avant de réagir que, plus tôt, le Yami lui avait tendu la main. Quel impoli il faisait ! Pas étonnant qu'après, la réputation des voleurs soit en baisse ! Le voici donc qui tend une main légèrement poussièreuse à son congénère, dans l'espoir cette fois-ci de la lui serrer, en simple signe de salutations courtoises.

[HJ: angoulême, angoulême...]

Yoru se rappela instantanément de la veille en entendant les paroles de Messara. C'est vrai qu'il était dans un sale état... Heureusement c'était passé. Enfin, heureusement pour lui, car pour l'instant Yoru ne lui attachait pas vraiment d'importance, et donc s'en fichait un peu...Pour l'instant. Mais pendant qu'il réfléchissait à tout ça, le voleur lui demandait son nom. Cette fois, Yoru avait mal intercepté les paroles, et ait un peu perdu, avant qu'il ne réalise finalement ce qu'il avait dit. Tout-à-fait normal qu'il demande ça, puisqu'on venait de lui poser la même question.

"Tu peux m'appeler Yami. Et arrête de me vouvoyer, ça me met mal à l'aise. Surtout que tu n'as pas vraiment de raison de le faire, je trouve. Je ne suis pas un de tes supérieurs, et on a l'air d'avoir quelques petites choses en commun... Sans fouiller dans ta vie privée je t'assures."

(Woulà, j'ai peut-être mal formulé les choses...)

Remarquant que Messara lui tendait la main, Yoru l'attrapa et la serra peu virilement, voire même gracieusement. Il avait remarqué la saleté qui s'y trouvait, mais tant pis. De toute façon, ce n'était pas comme si c'était un poison mortel...
Souhaitant en apprendre plus sur l'étrange et maniéré Messara, Yoru lui posa quelques questions pas exceptionnellement personnelles. Juste histoire de discuter.

"T'es depuis longtemps du côté des rebelles, toi? Tu en es satisfait?"

Dans ces questions, Yoru y voyait un moyen de voir s'il était le seul à avoir autant de réflexions au sujet des des rebelles. Car après tout, rien ne prouvait qu'il était le seul...

En fait, l'interlocuteur avait l'air un peu mal réveillé lui aussi. Peut-être qu'en fait, il dormait lui aussi, et quelqu'un l'avait réveillé. Dans ce cas, il aurait agi par vengeance ! Mais... Mais c'était injuste ! Et pourtant, en imaginant cela, Messara osa un petit sourire resserra un peu sa poigne sur la main de l'autre, avant de la lâcher, doucement.

*Hum ? Des choses en commun ? Il dort au milieu des cartons, lui aussi ? .... Eh, j'espère que d'habitude, il ne vient pas dormir près de MES cartons !*

Cette pensée étira un peu plus son faible sourire qui disparu peu après. Il avait mal, bon sang, mal ! Mais il n'allait pas se plaindre tout le temps. Même si ce n'était pas l'envie qui manquait. Il baissa les yeux. Son cerveau endormi n'avait pas vraiment enregistré le fait que son interlocuteur était aussi un rebelle, que c'était peut-être le point commun dont il voulait parler.

"- Environ deux ans que je traine dans les pattes des rebelles." Puis il bailla un bon coup, la main devant la bouche, comme on le lui avait appris. "- Je ne suis pas sûr de rester plus longtemps. Il faudrait que j'aille voir... Si il veulent encore de moi à l'académie... Et v...toi ? Rebelle et fier de l'être ?"

C'était dit sur un ton plaisantin, mais le regard vitreux de Messara n'était pas très joyeux. Il souffrait, et la question de Yami l'avait ramené à la reflexion inachevée de la veille. Il restait pensif. De pensif, il devint rêveur, voyant à l'avance le regard des autres élèves qu'il lui faudrait supporter, mais aussi le confort retrouvé. Sans trop le savoir, il s'éloigna un peu de ses cartons pour se retrouver au milieu de la rue. Ils étaient seuls. Il y avait du soleil. Un petit vent. Oui, c'était le matin.

Yoru n'en croyait pas ses oreilles. C'était à quelques formulations près la phrase parfaite qu'il aurait aimé entendre. Donc il n'était pas seul! Dans cet être qu'il trouvait...fantaisiste au début, Yoru y voyait maintenant une sorte de complice. L'envie de sympathiser avec l'adolescent en face de lui devenait de plus en plus forte. Mais comment se débrouiller pour cacher cela et faire comme si de rien n'était? Yoru sentait son coeur battre la chamade. Il était vraiment tombé sur quelqu'un de spécial. Yoru laissa ses réflexions de côté le temps de répondre à Messara, dans la plus grande franchise.

"Non, pas du tout. Au début, j'étais persuadé que ce clan était le bon, mais plus j'y réfléchit et plus j'ai envie de me barrer..."

Expression un peu vulgaire, soit. Mais Yoru ne savait plus où il en était. Pourvu que ça n'aille pas trop loin, il est déjà beaucoup trop stressé comme cela...Il ne faudrait pas que ce maudit pouvoir recommence à faire des siennes...Surtout qu'une fois que c'est parti, plus rien ne l'arrête...La dernière fois, cela a duré jusqu'à ce que Yoru s'endorme, et qu'il s'apaise naturellement à cause du sommeil. Décidément pas pratique. Il fallait se changer les idées. Autant se...divertir...avec Messara.

"Donc si tu pars, tu vas t'y prendre comment, toi? Tu as une idée?"

Yoru n'avait plus qu'une seule chose en tête : la fuite du clan rebelle. Messara serait un bon compagnon dans cet exercice, à tous les coups. Il ne savait plus que parler de cela, son esprit s'était considérablement renfermé...pour son plus grand regret.

Messara s'était retourné vers Yoru. Son regard restait très vague et vitreux. A vrai dire, ce n'était pas vraiment son semblable qu'il regardait. C'était comme si il espèrait revoir ses paroles à travers lui. Son expression s'était adoucie. La bouche entr'ouverte, les sourcil légèrement haussés, il ne se remettait pas de la nouvelle. Dans le même cas que lui ! Un frère ! Si il avait pu, il l'aurait pris dans ses bras. C'est ce qu'il fit ! Mentalement, rassure-toi... Dans ses rêves...
Maintenant, le Yami semblait beaucoup plus sympathique. Et aussi plus intéressant que pour une simple histoire de douche.

"- Personnellement, ce sont les méthodes qui me gênent..."

Il avait murmuré. Une main cachée dans une poche. Il triturait les papiers volés au pensionnat. Non, il ne regrettait pas son vol. Il regrettait le manque de discrétion, de professionnalisme et même de sérieux du nouveau chef. Non, la jeunesse n'excusait pas tous. Les rebelles représentaient un groupe important. Comment voulaient-ils espérer agir si ils ne faisaient pas d'efforts ? C'était désespérant. Surtout pour Messara. Ils s'était fait trop d'illusions, encore une fois. Il allait lui falloir trouver autre chose.

"- J'ai quelque chose à rendre au secrétariat. Il faudrait que je commence par là... Excuse-moi, quel jour sommes-nous ? Un jeudi, non ? Euhm... Tu pourras m'accompagner au pensionnat, si tu veux..."

Mon voleur semblait un peu mal à l'aise. Il n'avait pas osé rêver tout cela. le ciel lui envoyait un cadeau.Il ne bougeait plus, comme s'il craignait qu'au moindre geste le Yami ne s'envole...

Cette rencontre qui aurait pu paraître anodine était décidément d'une aide précieuse dans les réflexions du jeune Yoru. Messara ne partageait pas exactement les mêmes idées, mais c'est l'idée même d'un débat argumentatif. Si tout le monde a la même opinion, c'est inintéressant.

"De mon côté, le nouveau chef est mieux, ses méthodes étant moins...radicales. Mais il est beaucoup trop instable, avec son histoire de double personnalité..."

Yoru savait ça depuis qu'il a vu pour la première fois le "deuxième" DarkSoul. Ils étaient clairement différents. D'ailleurs, cela devait être très gênant. En fait, les informations que Yoru détenait sur son chef ne s'arrêtait pas là. Il était au courant du mode opératoire de DarkSoul pour se "purifier", des multiples facettes de son pouvoir...Tout ce qui a pu être dévoilé à son sujet à Serenity City. D'ailleurs, toutes ces informations, ils ne les avaient pas toutes obtenues de manière très légale, mais on s'en fiche bien quand on est quelqu'un d'aussi discret que Yoru. Malheureusement il s'était déjà fait avoir par des mutants possédant des capacités sensorielles intéressantes et toujours plus surprenantes. Mais rapidement, la conversation porta sur aller à l'académie...

"Je pense que c'est une idée...assez saugrenue. Si un rebelle nous voit entrer là-bas comme dans un moulin...Ah mais si tu veux remettre des documents à leur place en cachette, on aura l'air en mission aux yeux des autres. En revanche vaut mieux pas se faire voir par un académicien ou un employé... Ou bien tu veux aller faire toc-toc à la porte de la directrice et dire "tenez je vous rends ça."?"

Messara soupira. Alors il n'avait pas à faire à un extrêmiste ? Dommage. Cela leur faisait un point commun de perdu. Mais leur but restait le même. Le voleur fit quelques pasdans la ruelle, espèrant que l'autre le suive. Ses pas faisaient presque trop de bruits malgré leur lenteur.

"- J'ai rejoins le groupe des rebelles dans l'espoir que nous puissions agir, faire quelque chose d'utile. Notre chef disparu savait faire . A cette époque, on parlait des rebelles comme un grand groupe, une organisation. Les petits mutants avaient les yeux qui brillaient en prononçant notre nom. Nous étions des êtres admirés pour notre efficacité. Si tout avait continué, nous aurions presque fini ce pour quoi nous étions là. Darksoul, lui, agit sans plan précis et préfère s'amuser avec les jolies demoiselles sanguinaires plutôt que de s'occuper de nous."

Il avait l'impression de râler un peu... Ne pas froncer les sourcils demandait un temps d'adaptation.

"- Il m'a envoyé à l'académie pour y récupérer des documents. Je m'occupe de ma mission convenablement, je m'apprête à sortir de l'endroit ni vu ni connu mais... Devinez qui mettait du sang partout dans le hall ? Notre chef. Essayez d'être discrets, je vous jure ! Il ne manquait plus que le "en fait, un voleur est au secrétariat" pour que ce soit complet. On est rebelle, où on ne l'est pas. Mais si on l'est, on évite d'être un boulet pour les autres, c'est la moindre des choses, tout de même !"

Cette fois-ci, il grognait pour de bon, avec les sourcils bien froncés et les lèvres mordues.

"- Enfin, de toutes façons, qu'importent nos raison... Ce que je te propose, c'est de me raccompagner jusqu'au secrétariat. Je l'ai fait une fois, ça n'a dérangé personne, et je n'ai pas trop eu à transpirer ni à échapper à la mort. La directrice ne pourra pas refuser ces documents ni nos excuses, si l'on se débrouille bien, si l'on trouve les bons mots, et si on lui dilvulge deux ou trois petites choses. Et puis... C'est une femme incroyable. Elle comprendra, c'est presque obligatoire."

Cette fois-ci, Messara fixait vraiment Yami, mais voyait un autre décor autour d'eux. L'Académie, et eux, admis à nouveaux. Tous les espoirs étaient permis...

Dis-donc, il avait l'air remonté contre le chef, le Messara! Yoru préféra rester silencieux et l'écouter grogner en toute tranquillité plutôt que d'y mettre son grain de sel. Il l'avait cependant suivit comme un petit chien lorsqu'il s'enfonça dans la ruelle, et avait même réagi au quart de tour. Ensuite, l'autre voleur retourna sur le sujet noyau de la conversation : l'académie. Il donnait plus d'informations au sujet de leur infiltration là-bas qui n'en était finalement pas une. Dommage. Ce serait moins drôle. Et puis c'est sérieux, c'est pas le moment de s'amuser!

"D'accord, donc on rentre normalement, si je comprend bien? Hum, ça pourrait aller... Je te suis. De toute façon on n'a pu vraiment quelque chose à perdre. Je me considère déjà plus ou moins comme non-rebelle. Et au pire, on est entre les deux, dans une impasse, ni de l'académie, ni des rebelles..."

Probabilité certes très négligeable selon ce que venait de dire Messara, mais tant qu'elle n'était pas nulle, tout pouvait arriver. On ne sait jamais... Surtout ici, dans cette ville, à Serenity City. Qui porte d'ailleurs très mal son nom, mais c'est ce qui fait son charme.

"De toute façon, j'ai une autre idée. Si on se loupe, toi tu matérialise deux rebelles, et moi je nous téléportes en lieu sûr. Ca devrait marcher, si tu sais faire ça suffisamment bien avec ton pouvoir. Bon, on y va?"

Yoru était maintenant vraiment décidé à aller à l'académie. Un aller simple, peut-être... Mais qui ne tente rien n'a rien. C'est bien connu.

Messara n'avait pu réprimer un petit rire quand le Yami avait parler de matérialiser deux rebelles. Il s'était arrêté, mains dans les poches et petit sourire grimaçant (*ça fait mal quand je ris*). Visiblement, une évidence l'amusait.

"- Matérialiser deux rebelles ? Je ne suis pas encore Dieu ! Mais ça viendra, ne t'inquiète pas... Non, sérieusement, c'est quasiment impossible à mon niveau. A priori, nous ne devrions pas avoir de problème. Où alors, cela signifierait que les Académiciens sont pires que les rebelles !"

Un autre bout de rire. Comme quoi on pouvait réveiller les gens et rester d'assez bonne compagnie. Mon voleur commençait même à apprécier son compagnon de fuite. Il avait une façon de parler étrange, "rigolotte", comme aurait dit...

"- Mais tu saurais nous téléporter ? Sans problème, sans risque que l'on perde une jambe, un sourcil...?" (on reconnait ceux qui ont lu Harry Potter) " Si c'est vrai, ça peut toujours être utile. Personnellement, il est hors de question que je sorte de l'Académie sans avoir eu de vraie discussion et normalement, il n'y a aucune raison pour que l'on se fasse chasser à coups de hache !"

Son regard portait désormais sur le bout de la rue, plus clair. Il s'était exprimé doucement, ne cherchant pas à forcer les idées de son partenaire. Il ferma les yeux, fatigué de voir.

"- À ton avis, à quelle heure avons-nous le plus de chances de passer inaperçu au milieu des élèves ?"

Un peu déçu du fait qu'il ne pouvait pas compter sur le pouvoir du Messara, le Yoru. On fera sans. Et voilà l'autre voleur en train de douter de la maîtrise de Yoru sur son pouvoir! C'en était presque drôle. Enfin, le jeunot se devait au moins de rassurer son confrère.

"Non non, c'est sûr, tu perdras pas ta tête en route. Enfin, ça m'aurait pas l'air d'être une grosse perte. Hahaha...ha... Bref. Tu risques rien. C'est à...allez, quatre-vingt-dix-neuf virgule neuf neuf neuf neuf neuf pourcents sûr... Mais c'est juste parce qu'on sait jamais, hein. Parce que ça m'est jamais arrivé de décapiter quelqu'un en en téléportant qu'une partie, en fait."

Pas très convaincant, en fin de compte, et Yoru en était conscient. Et puis rien ne les obligerait forcément à utiliser son don de téléportation. Et si Messara acceptera de se téléporter, qu'il en assume les conséquences, s'il y en a. Sinon Yoru pourrait toujours lui beugler qu'il n'avait qu'à se débrouiller s'il n'est pas content. Rapidement, on parla d'un plan. Enfin, ça en avait tout l'air.

"A midi, y'a logiquement plein de monde dans les couloirs, le hall, le réfectoire...Donc on pourrait facilement se fondre dans le décor. Pour peu qu'on a l'air normal, quoi."

Intérieurement, Messara espèrait qu'à la fin de la journée, il aurait toute sa tête. Pas rassurant du tout, le Yami. Pas rassurant non plus l'hypothèse de se faire chasser de l'Académie. Mon mien leva le nez vers le ciel. Ouais, il y avait du soleil. C'était chouette, ça. Un bon truc. Il ferait moins froid la nuit, si jamais il devait encore dormir dehors. Et puis, c'est tellement plus agréable une journée un peu moins fraîche que les autres. À quand l'été ? Un vrai été, avec de vraies températures d'été ? Un été algérien... Ça manquait presque à mon bonhomme. Mais pour le moment, pas question de retourner là-bas.

"- On a un peu de temps. Et j'ai un peu faim, aussi... Je pars à la chasse. On se retrouve à moins le quart devant le pensionnat ?"

"Partir à la chasse", c'était une façon discrète de sous-entendre le fait qu'il allait voler une pomme ou une pâtisserie. Oh, il avait bien piqué deux-trois bricoles à Alexielle, naturellement. Mais il les gardait pour le jour où il ne pourrait pas chasser.
Mon voleur s'était à nouveau tourné vers Yami, un sourire au coin des lèvres. Le même sourire. Il allait aussi devoir s'acheter de la pommade. La douleur, ça va un moment. Mais au bout de quelques heures, c'est un petit peu enquiquinant (d'ailleurs, t'aurais pas un strepsil ?).

"- Euh...Attends, il est quelle heure ?"

Dans le même temps, une de ses mains cachées dans ses poches venait de trouver une montre de gousset, antiquité récupérée vaguement lors d'une errance. Mais Messara ne savait plus trop si elle était à l'heure. Autant demander à l'autre.

Un peu de temps, un peu de temps... Deux heures grand maximum. Mais alors très très grand maximum. Enfin, ça dépend de l'organisation. Et puis c'est quoi cette expression, là, la chasse? Faisant semblant que cela n'avait aucune importance, Yoru répondit à son confrère dans le plus grand calme, ce qui n'était pas vraiment nécessaire.

"Bon, ben, moi, je sais pas encore ce que je vais faire... Je verrais bien. Donc, pour l'heure, moins le quart...Impeccable. A tout-à-l'heure."

Yoru se remettait déjà de cette rencontre approfondie et commença à faire demi-tour pour partir, mais Messara lui adressait quelques derniers mots.

"Il est plus ou moins dix heures et demie. Pas de quoi s'affoler. Tu as le temps pour "chasser"." répondit-il en insistant sur le dernier mot, de façon à montrer qu'il n'avait pas trop compris la signification.
Mais déjà, il s'en allait, la tête haute, les épaules droites, pas par pas, il s'éloignait de Messara...

[Direction : Le Buffalo, un pub dans les rues piétonnes]

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